Le 18 juillet 1855, le train entre en gare de Haguenau

    L’idée de prolonger le chemin de fer de Bâle à Strasbourg jusqu’à la frontière allemande est en gestation dès 1836 : la France « ne pouvant accepter une lacune sur la grande ligne qui, partant de Marseille, doit aboutir à la mer du Nord », il paraît urgent de donner au chemin de fer de Strasbourg à Bâle un complément vers le nord pour lui éviter d’être écrasé par la concurrence badoise.

    La réalisation de la liaison Strasbourg-Haguenau-Wissembourg

    Plan de la Gare 1855Deux tracés sont en concurrence, l’un vers Lauterbourg, l’autre vers Wissembourg, les deux passant par Bischwiller et Haguenau. A Haguenau même, la perspective de la venue du chemin de fer ne fait pas l’unanimité, les commerçants craignant une concurrence accrue de Strasbourg. Jusqu’en 1845, Lauterbourg semble avoir la préférence, mais en 1846, la Chambre de Commerce de Strasbourg fait pencher la balance en faveur de Wissembourg : les voies ferrées doivent avant tout « chercher les pays les plus populeux, les villes les plus riches et les plus industrieuses », Bischwiller, Haguenau et Wissembourg. Le tracé vers Wissembourg est finalement retenu en novembre 1846. Les travaux, commencés en mai 1853, avancent rapidement. On travaille même la nuit, « le salaire a été augmenté et tous les ouvriers qui se présenteront seront pris. On voit même des femmes qui poussent la brouette. » Le 23 avril 1855, les ingénieurs du chemin de fer parcourent en wagon, à titre d’essai, la section entre Strasbourg et Haguenau. Essai concluant, la ligne peut donc être ouverte.

    L’inauguration

    InaugurationL’inauguration officielle a lieu mercredi 18 juillet. Deux tribunes ont été mises en place devant la gare et au centre de la voie a été érigée une estrade surmontée d’un arc de triomphe, avec le nom de la ville de Haguenau et le buste de l’empereur. Le train officiel parti de Strasbourg à 9 h 30, arrive vers onze heures. En présence d’une foule considérable, la locomotive la « Ville-de-Saint-Avold » s’avance lentement, remorquant le convoi d’honneur composé de huit wagons de 1ère classe, occupés par le Préfet et la plupart des autorités civiles et militaires du département. Dans son allocution de bienvenue, le maire Chompré se félicite que « nos relations vont devenir plus fréquentes et plus faciles, tant avec les autres départements de la France qu’avec l’Allemagne septentrionale, la Belgique et la Hollande, et elles donneront sans doute essor à de nouvelles industries, [d’autant plus que] Haguenau offre au labeur industriel des bras nombreux. » Le représentant de l’évêque, qui bénit la voie, met l’accent sur « cette grande facilité de communication que nous voyons s’établir partout… source de prospérité matérielle [pour les hommes]… cette vitesse étonnante avec laquelle la vapeur nous transporte d’un lieu à l’autre.» Après un discours dithyrambique du préfet à la gloire de l’empereur, un banquet est offert par la ville à quelque 160 invités dans le hangar aux marchandises spécialement aménagé et décoré pour la circonstance. »

    Les débuts de la ligne

    Le tronçon Strasbourg-Haguenau est ouvert au trafic dès le 19 juillet ; en octobre, c’est au tour du tronçon Haguenau-Wissembourg. Signalons que la liaison Vendenheim-Wissembourg est alors à voie unique, le doublement de la voie étant réalisé après 1871 seulement ; de même la route impériale vers Strasbourg franchit la voie non par un pont, réalisé plus tard, mais par un passage à niveau dans l’axe de la route de Schweighouse, comme on peut le voir sur le plan. Quoi qu’il en soit, dès 1856, on compte plus de 44000 voyageurs au départ de Haguenau. Haguenau où se pose le problème de l’accès de la gare à partir du centre-ville, la porte de Strasbourg, étant à l’origine le seul moyen de communication entre la ville et la gare. Un transporteur, Ruh, met en place un système de ramassage entre la place d’Armes et la gare en passant par l’actuelle rue du Château, la Mare aux Canards, la Grand-rue et la porte de Strasbourg. Il faudra attendre 1856 pour que soit percée, au bout de l’actuelle rue Saint-Georges, une porte de 2 mètres de largeur ouvrant sur une allée menant directement à la gare sans passer par la porte de Strasbourg. Quant à la gare, elle sera remplacée à la fin du siècle par une très belle construction ; des colombages, vestiges de la première gare, ont été remontés et conservés à l’arrière de l’immeuble situé au coin de la rue de la Torture et du boulevard de la Libération.

    Texte de
    Jean-Paul Grasser, publié dans le Haguenau Infos n°65 - 2005